Till Rabus: Cartoon 12 September—25 October 2025
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exhibition view © Sully Balmassiere
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We are pleased to announce Till Rabus new solo exhibition “cartoon”. Join us for the opening on Thursday, September 11, from 6 pm.
Le grand magasin de Till Rabus
Etrange, burlesque, un peu sauvage, complètement imaginaire, souvent incongru, avec une dose de mélancolie inquiétante, voire trash. Cela pourrait être la description d’un long-métrage dystopique sur la fin du monde, comme la grande industrie hollywoodienne sait en produire à la chaîne. C’est aussi une définition pouvant correspondre à l’univers prosaïque et fantaisiste des jouets, lui aussi enrôlé dans une industrie monopolistique, celle des produits jetables et superficiels mais ô combien désirables de la consommation de masse. Et c’est enfin ce qui caractérise la peinture léchée et malicieusement satirique de Till Rabus qui observe avec une tendresse désabusée, la lente décomposition de nos excès consuméristes, tout en saluant leur indéniable tribut aux imaginaires sociologiques qui ont construit l’univers des formes des années 1970 à aujourd’hui. L’ère des grands magasins, des déchets urbains, des bonbons Haribo, des fast-foods, des aires d’autoroutes, des plages et des campings pollués par les sacs plastiques et la nourriture industrielle… Un univers des formes générationnel, contant un âge d’or bientôt déchu.
Ainsi Till Rabus peint les
We are pleased to announce Till Rabus new solo exhibition “cartoon”. Join us for the opening on Thursday, September 11, from 6 pm.
Le grand magasin de Till Rabus
Etrange, burlesque, un peu sauvage, complètement imaginaire, souvent incongru, avec une dose de mélancolie inquiétante, voire trash. Cela pourrait être la description d’un long-métrage dystopique sur la fin du monde, comme la grande industrie hollywoodienne sait en produire à la chaîne. C’est aussi une définition pouvant correspondre à l’univers prosaïque et fantaisiste des jouets, lui aussi enrôlé dans une industrie monopolistique, celle des produits jetables et superficiels mais ô combien désirables de la consommation de masse. Et c’est enfin ce qui caractérise la peinture léchée et malicieusement satirique de Till Rabus qui observe avec une tendresse désabusée, la lente décomposition de nos excès consuméristes, tout en saluant leur indéniable tribut aux imaginaires sociologiques qui ont construit l’univers des formes des années 1970 à aujourd’hui. L’ère des grands magasins, des déchets urbains, des bonbons Haribo, des fast-foods, des aires d’autoroutes, des plages et des campings pollués par les sacs plastiques et la nourriture industrielle… Un univers des formes générationnel, contant un âge d’or bientôt déchu.
Ainsi Till Rabus peint les natures mortes de notre temps présent tout en reprenant les codes des paysages solitaires du surréaliste Yves Tanguy ou des grandes compositions flamandes du 17e siècle, de Willem Kalf à Pieter Claesz. Si ce n’est que chez lui, le hamburger et les chicken wings ont remplacé les formes molles et modernistes de Tanguy, et de gros ballons en forme de cerises jouissives se sont substitués aux grappes de raisins translucides et à la vaisselle scintillante des banquets hollandais. L’échelle des objets a aussi changé. Plus imposante. La corbeille de fruit n’est autre que la corbeille pour chien que l’artiste a placée dans une petite installation qu’il a réalisée au préalable dans son atelier avant de la photographier et de la peindre.
« J’aime l’acte de peindre mais aussi l’idée de fabriquer mes propres images » explique-t-il. Surtout dans un monde où beaucoup d’artistes puisent des images déjà toutes faites sur internet. Till Rabus agence donc ses objets, avec soin, élabore des mises en scène à l’éclairage travaillé. Il installe tout ce petit monde, comme un sculpteur ou un maquettiste pourrait le faire. Deux nouvelles séries présentent Monsieur Patate modelé en dizaines de sculptures, aux contours abstraits, qui deviendront ensuite des peintures. Figurines enfantines et burlesques, rappelant la pâte à modeler, qui sent bon la nostalgie des jeux d’enfants, bien loin du tout numérique. Une autre série campe, elle, les farces et attrapes de nos anciennes « cours de récré », mains collantes, boules de relaxation fluorescentes, pâtes gluantes aux couleurs acidulées…
Nous voici dans le grand magasin des paillettes et des confettis que l’artiste fréquente avec ses enfants. Tout y est visqueux, déformable, gluant, collant, terriblement dégoulinant et addictif. Presque malaisant parfois dans l’absurdité orgiaque de cette accumulation manufacturée. Mais il s’agit aussi d’une matière idéale et incroyablement délicieuse pour le pinceau du peintre qui s’amuse, avec une virtuosité remarquable, à composer ces objets issus de son environnement immédiat. Ce qu’il trouve dans les supermarchés, les brocantes, les déchetteries. Les reflets des matières plastiques rappellent les glacis de la Renaissance. Un peu comme si les cartoons de Tex Avery avaient digéré la grande histoire de l’art tout en faisant des clins d’œil à Paul McCarthy. « Je veux créer des liens entre tout ce qui m’intéresse. » A l’adolescence, il commence à s’intéresser à l’art contemporain, notamment aux Young British Artists mais aussi à ses compatriotes suisses Fischli et Weiss, Roman Signer, Urs Fischer, Thomas Hirschhorn, Sylvie Fleury, Delphine Reist ou encore Gianni Motti qui, tous, pratiquent l’art de la performance et de l’installation avec une certaine dérision tout en critiquant la société de consommation galopante. « Ils aiment aussi le rapport au temps qui passe, à l’usure » souligne l’artiste. Art du décalage, de la poétique métaphysique infusé à la culture populaire et aux paysages industrialisés. Till Rabus, après avoir navigué entre l’installation et la vidéo, choisira finalement la peinture à l’huile qu’il pratique avec une délicatesse digne des grands maîtres flamands. Souvent qualifié d’hyperréaliste, il préfère cependant le terme de figuratif, la notion de réalisme étant, chez lui, souvent battue en brèche par son art de l’illusion et l’extraordinaire exubérance de ses formes.
Ce panthéon d’inspirations a façonné sa démarche dans les années 1990 et son œil affûté a aussi regardé les peintres : Adrian Ghenie, Eric Fischl, Peter Doig… De là vient sa recherche de la déformation, de l’ambivalence, de l’inquiétante étrangeté… Si l’enchantement se trouve dans les plaisirs éphémères des objets farfelus qu’il peint, c’est bien le désenchantement de la société de consommation qui constitue le cœur de ses vanités contemporaines. En effet, la malbouffe, la distraction vorace, la pollution incontrôlable, nous tue à petit feu… Et pourtant, ces objets « superflus » nous procurent un sentiment immédiat d’attachement, voire d’affection. « On sent le côté enfantin bien sûr mais auquel le résultat final de la peinture, très travaillé, apporte un contraste, un effet bancal. » Le banal devient superbement sophistiqué, baroque. Le clinquant, le kitch, l’anecdotique deviennent de la grande peinture. Peinture oxymorique. L’artiste se plaisant même à explorer les frontières ténues entre figuration et abstraction. Il n’y a qu’à regarder ses « Monsieur Patate » qui ne pourraient être que des tas de terre informes sans leurs accessoires. Encore plus inquiétante, sa série Love/Hate qui met en scène de fausses mains faisant le langage des signes dans des paysages diurnes romantiques et nocturnes angoissants. Ambiance manichéenne inspirée de La Nuit du Chasseur de Charles Laughton, film dans lequel Robert Mitchum porte le tatouage de ces deux mots sur ses phalanges. Till Rabus nous dit peut-être ici que les gourmandises drolatiques et joyeuses qu’il peint cachent en fait une part beaucoup plus sombre et monstrueuse, presqu’horrifique. Le conte pour enfant, en apparence innocent, n’est en effet jamais exempt d’une morale terrifiante.
Julie Chaizemartin